Abbaye de la Grainetière

900 ans d’histoire dans un écrin vert

Isolée à l’orée de la forêt de Soubise, l’Abbaye de la Grainetière peut facilement échapper au regard des visiteurs. C’est justement cette situation, « au désert », qui a favorisé l’arrivée d’une première communauté il y a près de 900 ans. Désormais point de chute ou d’étape pour férus d’Histoire, cyclistes, randonneurs et touristes, le lieu se distingue encore par son calme, à peine troublé par le chant conjugué des oiseaux et du vent dans les arbres. L’atmosphère invite à se plonger dans le passé d’une abbaye souvent chahutée par le cours de l’Histoire mais jamais totalement disparue, qui revit depuis quelques décennies sous l’impulsion de passionnés. Découvrez cette Histoire dans les pages des Herbiers Magazine n°2.

Nous sommes entre 1117 et 1137, dans la paroisse rurale et forestière d’Ardelay : l’édifice sort de terre, désiré par les grands seigneurs du voisinage à une époque où l’actuel bocage vendéen ne compte aucun monastère. Pour l’emplacement, ce sera le domaine de Granataria, cédé par le seigneur Gilbert de La Chaize à Guillaume de Conchamp, abbé de Notre-Dame de Fontdouce (Charente-Maritime). En matière d’architecture, l’édifice essentiellement médiéval se déploie autour de sa cour centrale : une église côté nord, un réfectoire au sud, une salle capitulaire à l’est.

Les premiers murs de schiste et de granite sont donc érigés « au désert », dit-on pour illustrer l’isolement d’un lieu propice au recueillement, qui permet aussi de subvenir aux besoins de première nécessité : accès à l’eau et aux matériaux de construction, terres cultivables… Sans oublier l’immense forêt environnante, précieuse réserve de bois. Très vite, des religieux de Fontdouce en Saintonge investissent les lieux, élisent leur premier abbé et font du monastère une abbaye.

Pourquoi Abbaye de la Grainetière?

Granataria, Grénetière, Grainetière…
Si l’orthographe du lieu a varié au fil des siècles, sa signification est claire : terre à grains, en raison de la fertilité des sols bien drainés par le schiste.
Aujourd’hui encore, les rendements en blé dans les villages alentour sont réputés supérieurs à ceux d’autres secteurs.

Histoires de papes

Vers 1144-1145, le Pape Lucius II place l’abbaye-mère de Fontdouce sous sa protection, qui s’étend donc aux « filles » dont fait partie la Grainetière. Mais vers 1180, la construction de l’église abbatiale est suspendue. « On manquait simplement d’argent, révèle Philippe Gaury, auteur d’ouvrages historiques sur le Poitou et la Normandie et membre de l’Association Immobilière de la Grainetière. Il faut dire que l’abbaye est peu considérée par les puissants, qui lui préfèrent par exemple Fontevraud ou Nieul-sur-l’Autise. » Il faudra encore compter sur la générosité des seigneurs locaux pour finir d’édifier l’église, dont la date de consécration est à ce jour inconnue.

Guerres, pillages et dépeuplement

La Guerre de Cent Ans, entre 1337 et 1453, représente une première menace pour l’intégrité de l’abbaye. Lors du conflit, des garnisons anglaises stationnent à Mouchamps, aux Herbiers et à Ardelay. « L’Abbaye de la Grainetière devient donc fortifiée, pour être en mesure d’y tenir un petit siège », révèle Philippe Gaury. Ainsi, pendant que le chevalier Du Gueslin libère Mortagne occupée, les Anglais tentent une incursion ; ils seront repoussés par les hommes du capitaine Martinière, causant finalement peu de dégâts.

Débute ensuite l’ère des abbés commendataires, qui durera trois siècles : le responsable de l’abbaye n’est plus un moine élu par ses frères mais un homme nommé par le roi, qui habite rarement sur place. On assiste alors aux premiers retraits de religieux. Dans le même temps, les Guerres de Religion n’épargnent pas l’abbaye, pillée et brûlée par trois fois en moins de quinze ans, au 16e siècle. L’église est toutefois sauve mais, lorsque débute le siècle suivant, il ne reste que 4 ou 5 moines. « Si on se fie à la taille du réfectoire, ils devaient être 70 à 80 au plus fort de la présence humaine », estime le prieur général Guy-Marie, 73 ans, arrivé à l’abbaye en 2022. La communauté monastique est finalement dissoute en 1760.

1788 : prémices de la Révolution à venir, une crise financière touche le pays. L’année suivante, les biens de l’église catholique sont saisis pour rembourser les dettes de l’État. Devenue Bien National, l’abbaye est mise aux enchères et partiellement démolie ; ses pierres sont même utilisées pour construire des habitations.

Monument Historique

Il faut attendre 1900 pour que cessent les destructions, lorsque la famille Pilastre acquiert les bâtiments encore debout. En 1928, l’abbaye est inscrite à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques (ISMH) ; une première forme de protection avant le classement en Monument Historique en 1946, à l’initiative de Zoé de Chabot, Conseillère Générale de la Vendée. Le lieu est alors une exploitation agricole, gérée par deux familles vivant sur place.

En 1963, seize passionnés s’unissent autour de Pierre Chatry, Conseiller Général et futur maire des Herbiers, pour acheter les vestiges de l’abbaye en formant une SCI, qui se lance alors dans des opérations de restauration : cloitre, abbatiale, transept, chœur, salle capitulaire…

Retour des moines

En 1978, deux siècles après le départ des moines, une petite communauté s’établit à nouveau à l’abbaye, en provenance d’Amiens. « Notre communauté étant majoritairement constituée de moines à la santé fragile, le calme de l’abbaye nous convenait bien », raconte le Père Guy-Marie, lui aussi transfuge de la Somme mais originaire… de Sainte-Florence ! En 1984, l’association des Amis de La Grainetière voit le jour pour apporter un soutien moral et matériel, notamment à travers l’aménagement d’une salle de réunion, d’un réfectoire, d’une salle de lecture et d’une bibliothèque.

Après quatre décennies de restauration, les acquéreurs font don de l’abbaye à la fraichement créée Association Immobilière de la Grainetière en 2004, pour souligner l’objectif non lucratif des rénovations qui se poursuivent : tour de l’abbé, dallages, galeries, dortoir, toitures… En 2012, pour la première fois depuis plus de deux siècles, l’abbaye ne comporte plus aucune zone non consolidée !

Le grand projet 2030

En 2020, une dernière vague de restaurations est envisagée autour des galeries manquantes du cloitre, du réfectoire et de l’église. « On est encore au stade de l’étude, précise Philippe Gaury. Il faut d’abord tenir compte des prescriptions de la Conservation des Monuments Historiques puis passer devant la DRAC et surtout trouver les financements » L’objectif ambitieux de cette « touche finale » : restituer l’édifice dans sa forme initiale pour en commémorer dignement le 900e anniversaire !

Des événements tous publics
Journées du Patrimoine, festivals de musique et concerts, marchés de Noël…

Chaque année, des événements rythment la vie de l’Abbaye et provoquent un afflux de visiteurs.
« Au concert du 15 août, on y voit beaucoup de gens qui ne fréquentent pas le lieu habituellement », rapporte le Père Guy-Marie. « Les Herbretais aiment la Grainetière. Ils y sont attachés, et ce lien dure depuis un moment », appuie Philippe Gaury.

Infos Pratiques
Site ouvert tous les jours de 9h à 17h30
Boutique ouverte de Pâques à la Toussaint
Visite guidée sur rendez-vous (5€, 6 personnes minimum)
Visite libre et nouveau dépliant historique : 2€
Tarifs réduits pour les jeunes
Gratuité pour les personnes en situation de handicap

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