Chaque réussite recèle sa part de mystère, de non-dits, de vérité et de légende. Le Vendée Globe n’échappe pas à la règle. « Ainsi naquit le Vendée Globe » raconte, en s’appuyant sur de nombreux témoignages et des documents rares et souvent inédits, les coulisses de la naissance de la course à la voile aujourd’hui la plus célèbre au monde.
Ouvrant, pour la première fois les archives personnelles de Didier Planson, cheville ouvrière des trois premières éditions aux côtés de Philippe Jeantot, le journaliste vendéen Fabrice Hodecent nous raconte l’histoire « vraie » du premier Vendée Globe et cela se dévore comme un roman d’aventure, plein de rebondissements, d’amitiés fortes ou brisées, de fortunes de mer, d’ombres et de gloire.
Quand une course à la voile en engendre une autre, qu’un marin donne corps à une idée et qu’une ville puis tout un département s’en empare, vous avez bien résumé la genèse du Vendée Globe.
Comme beaucoup d’aventures, celle du Vendée Globe naît d’un ennui, celui de certains participants du BOC Challenge, course à la voile autour du monde, en solitaire avec escales. Créée en 1982 cette course prend son départ à Newport (USA) pour y revenir après trois pauses au Cap, Sydney et Rio de Janeiro. Philippe Jeannot gagne la première édition et se fait immédiatement un nom dans le monde de la course au large. Plus encore quand, 4 ans plus tard, il gagne de nouveau.
Mais pour les concurrents les escales sont à chaque fois longues de plusieurs semaines. Certains participants piaffent d’impatience et n’ont qu’une envie, enchaîner et repartir au plus vite. Dans les bars de Sydney lors du second BOC, on parle, on tire des plans sur la comète et on se demande s’il ne serait pas temps de créer une course en solitaire sans escale, mais qui contrairement Golden Globe Challenge de 1968, partirait le même jour d’un même endroit pour y revenir une fois effectué le tour du monde.
L’idée fait son chemin dans la tête de plusieurs marins qui en discutent régulièrement :
Jean-Yves Terlain, Titouan Lamazou, Jean-François Coste, Bertie Reed, Guy Bernardin, Yvon Fauconnier et bien entendu Philippe Jeantot. Ce dernier, lié à la Vendée par l’aide que lui a apporté le Crédit Agricole de Vendée pour financer son premier BOC Challenge, joue alors les francs-tireurs et abat la carte Sablaise au nez et à la barbe de tous les autres. C’est ainsi que lors du salon nautique de Paris, le 12 décembre 1987, Jeantot et Planson jettent sur une feuille de papier les premiers contours de ce qui s’appelle alors le « Port vendéen Challenge ». Ne reste qu’à financer et organiser le projet, si l’on peut dire.
Début d’une période de gros temps et de navigation délicate auprès des élus, des industriels, des instances de la voile et des lascars de l’escale de Sydney, qui devront affronter bien des tempêtes terrestres avant d’avoir le « bonheur » de goûter à celles des mers du Grand Sud !
C’est cela que nous raconte le livre, de manière haletante.
Quel a été votre plus grand étonnement en rédigeant ce livre ?
Fabrice Hodecent : Combien les choses sont différentes de ce que l’on dit et croit savoir du Vendée Globe. Je vis en Vendée depuis très longtemps maintenant, j’ai couvert comme journaliste 3 éditions, je pensais donc tout savoir de l’évènement et de son histoire. Quand Didier Planson a ouvert ses archives et m’a demandé de l’aider à rédiger ce livre, j’ai découvert des tonnes de choses que j’ignorais. J’ai alors mené une trentaine d’entretiens avec celles et ceux qui ont participé à l’organisation concrète de la première édition, et c’est devenu une enquête journalistique. Et la légende d’une course inventée par Philippe Jeantot dans la joie et la concorde, l’enthousiasme général et la facilité, est en réalité bien différente.
En quoi précisément ?
FH : Si Philippe Jeantot est l’initiateur de cette course, ce sont bien des élus et des entrepreneurs Vendéens qui l’ont bâtie, organisée, défendue et sauvée à plusieurs reprises. On apprend par exemple que, lors du départ de la première édition le 26 novembre 1989, le budget n’est pas encore bouclé… Ou que pour faire des économies, Philippe Jeantot n’inscrit pas la course au calendrier du Championnat du monde des courses océaniques, et que c’est le fondateur de Fleury Michon, Yves Gonord, qui propose de régler la note. Mais « son bateau » Fleury Michon, skippé par Philippe Poupon abandonne en décembre 1989 après un démâtage et son sauvetage par Loïck Peyron. L’empressement à payer l’inscription décroit fortement de la part d’un sponsor dont le bateau se retrouve hors course. Ce n’est que quelques jours avant la remise des prix que la municipalité va s’acquitter de l’inscription et permettre à Titouan Lamazou, vainqueur du Vendée Globe, de gagner le championnat du monde. Je vous laisse également découvrir les imbroglios autour du nom Vendée Globe, de son dépôt à l’INPI et son rachat par le département de la Vendée.
Plein de choses sont ainsi dans ce western financier et organisationnel qu’est la naissance du Vendée Globe.
C’est également une sacrée plongée dans le temps, pourtant pas si lointain.
FH : Ce qui est formidable c’est, grâce aux documents que nous publions, de mesurer combien l’époque a changé. Beaucoup de choses sont manuscrites ou dessinées à la main, c’est incroyable. On parle de minitel, 3615 MET pour les infos météo, on tape à la machine.
Les images sont stockées sur des cassettes vidéo qui ne seront diffusées qu’à la fin de la course.
Pour revenir sur le sauvetage de Poupon par Peyron, qui reste au panthéon des images de course au large, eh bien c’est Loïck Peyron qui confie les cassettes à Poupon, qui après avoir accosté sous gréement de fortune en Afrique du Sud, va les rendre publique, à la grande satisfaction de son sponsor soit dit en passant !
Ainsi naquit le Vendée Globe
Par Fabrice Hodecent
et Didier Planson
Éditions Rouquemoute (Nantes)
224 pages – 25€
Parution le 22/10/2020
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