8 novembre 2020
Pour la neuvième fois, le coup de canon va ouvrir la ligne de départ du Vendée Globe et laisser s’élancer la flotte des IMOCA pour un tour du monde en solitaire, sans escale ni assistance et 21 638 milles nautiques à parcourir, 40 075 kilomètres traduiront les terriens.
Mais tout ça n’est que le chiffre du crayon qui, bien sagement, trace sur une carte la ligne la plus directe faisant fi des vagues, du vent, des glaces, de la peur, du sommeil. En réalité la plupart des concurrents des précédentes éditions ont parcouru parfois plus de 28 000 milles, soit quasiment 52 000 kilomètres.
Et pourtant le marathon originel est devenu un sprint long autour de la planète. Les 109 jours de 1989 sont devenus 74 jours en 2016. Ne croyons pas pour autant que « l’Everest des mers » se soit aplani et soit devenu un sentier de promenade. En 2008, seulement 11 des 30 bateaux vont rallier l’arrivée, soit 37 % des participants et en 2016 ce sont 65 % des skippers qui termineront la course. Depuis la première édition, 167 skippers ont pris le départ de cette course et 89 seulement l’ont terminée.
La traversée des saisons avec un départ au milieu de l’automne, les mers du Sud en plein été austral et un retour hivernal en Vendée, demeure réservée à des femmes et des hommes pas tout à fait comme les autres.
Les skippers…
Ils et elles sont 33 au départ, soit 20 de plus que lors du tout premier Vendée Globe. Parmi eux des multirécidivistes féroces comme Jean Le Cam et Alex Thomson qui partiront pour un cinquième Vendée Globe, ou Jérémie Beyou qui a déjà pris trois départs et Arnaud Boissières qui s’élance pour un quatre à la suite.
Mais le gros de la flotte sera principalement constitué de bizuths, avec 18 participants qui découvriront le Vendée Globe. Que ceux qui parmi eux rêvent de victoire se rassurent, cinq des huit vainqueurs étaient dans la même situation le jour du départ – Titouan Lamazou, Christophe Auguin, Michel Desjoyeaux, Vincent Riou et François Gabart.
Chaque édition voit le plateau des skippers s’internationaliser un peu plus à chaque fois. Cette année neuf nationalités différentes (Allemagne, Australie, Espagne, Finlande, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Suisse) seront au départ.
Par ailleurs jamais une édition du Vendée Globe n’aura compté autant de skippeuses dans ses rangs, puisqu’elles ne seront pas moins de 6 à se présenter au départ.
…sur leurs drôles de machines
Bal des débutants pour les skippers mais également pour leurs machines. Là encore la nouveauté semble gage de performance puisque dans l’histoire du Vendée Globe, seul Vincent Riou en 2004-2005 a gagné avec un bateau déjà piloté, en l’occurrence par Michel Desjoyeaux quatre ans auparavant.
Cette année huit IMOCA flambant neufs couperont la ligne de départ, dont deux mis à l’eau en 2020 seulement, ceux d’Armel Tripon et Nicolas Troussel. Également à la barre de bateaux neufs, Charlie Dalin, Thomas Ruyant, Kojiro Siraïshi, Sébastien Simon, Jérémie Beyou et Alex Thomson.
Si lors de la première édition, la flotte présentait des profils différents en terme de longueur ou de largeur de bateau, dès la seconde édition elle se normalise avec l’adoption de la classe des 60 pieds IMOCA. À l’inverse des classes monotypes, pour un IMOCA « tout ce qui n’est pas interdit, limité ou imposé, est autorisé ». Formidable terrain de jeu pour les architectes.
La flotte du millésime 2020-2021 est une flotte volante. En effet si les 8 bateaux construits pour le Vendée Globe 2020 sont entièrement construits autour de foils de nouvelle génération, dix autres monocoques en seront également équipés, prévus d’origine ou installés sur des IMOCA plus anciens qui en étaient auparavant dépourvus.
Le parcours
La règle du ce qui n’est pas interdit est autorisé qui prévaut pour la jauge et le dessin du bateau, s’applique également au parcours. Il s’agit de faire le tour du monde, ou selon comment l’on considère la carte le tour de l’Antarctique, en laissant sur bâbord (à gauche pour les terriens) les trois caps de Bonne-Espérance à la pointe sud de l’Afrique, le cap Leeuwin en Australie et le cap Horn au sud du continent américain. Des bouées de passage et des limites à ne pas franchir, au départ et dans le tour de l’Antarctique, sont les seules restrictions mises en place.
En solitaire
Concept très simple à comprendre, mais la réalité des fortunes de mer permet une exception notable, le sauvetage d’un autre concurrent.
Le 25 décembre 1996, dans une tempête dépassant les 70 nœuds, le bateau de Raphaël Dinelli chavire et commence à sombrer. Dinelli se réfugie sur le pont battu par les vagues, puis dans un radeau de survie lancé par un avion de la marine australienne. Seul Pete Goss situé 160 milles au sud peut lui porter assistance. Il faut 24 heures au marin britannique pour récupérer Raphael Dinelli et l’accueillir à bord durant douze jours et le débarquer dans le port australien de Hobart.
Le 6 janvier 2009, au large du Cap Horn Jean Le Cam perd son bulbe de quille et chavire. Lors de la manœuvre de sauvetage quelques heures plus tard, Vincent Riou fragilise son mât qui s’effondre sur le pont peu après le passage du cap Horn. Contraint à l’abandon, il sera néanmoins officiellement classé troisième ex-aequo, au vu des circonstances de l’incident.
Sans escale
Une seule exception apparait dans le règlement de la course : revenir aux Sables d’Olonne et ce dans un délai maximal de 10 jours après le départ. Il n’est pas alors question d’escale, mais d’un nouveau départ. C’est notamment ce qu’avait fait Michel Desjoyeaux ce qui ne l’empêcha pas de remporter l’édition 2008-2009.
Une escale n’est pas un simple arrêt. Elle implique de mettre pied à terre. Mouiller dans une crique pour réaliser une réparation est autorisé. Comme l’a fait Yves Parlier durant l’édition 2000 après un démâtage.
Sans assistance
Hors l’assistance tolérée lors du retour aux Sables d’Olonne, dans les 10 jours qui suivent le départ, le skipper ne doit compter que sur lui-même. S’il a l’autorisation de consulter l’architecte du bateau ou son équipe technique pour recueillir informations et conseils, c’est à lui de mener à bien les réparations avec les moyens du bord.
Le routage météo est totalement prohibé. Les données météorologiques sont identiques pour tous les concurrents et les marins doivent imaginer eux-seuls leur navigation.
Sans assistance également pour se soigner. Un fait médical restera à jamais dans la légende du Vendée Globe. Lors de la seconde édition, Bertrand de Broc a dû se faire à lui-même des points de sutures à la langue qu’il venait de gravement se couper au large des Kerguelen. Le médecin de la course Jean-Yves Chauve, s’exerça alors à le faire lui aussi devant un miroir, en imaginant un protocole adapté à la situation d’un bateau secoué par la houle, et ainsi conseiller, par telex, le marin blessé. Opération réussie !
L’aventure humaine reste au bout de l’étrave. L’édition 2020-2021 ne déroge pas à la règle.
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